Il en va de même pour la nouvelle législation sur les jeux en ligne. Le gouvernement français a fait le choix de se refermer sur lui-même, au lieu d’impulser une loi au niveau Européen. C’est triste et archaïque mais c’est ainsi. On peut perdre son temps à se lamenter dans les forums, ou accepter le changement et analyser ses conséquences. Ce que je me propose de faire dans cet article.

Sit and Go, un problème de volume

L’avantage d’un joueur de Sit and Go sur les autres est très faible. Et la variance est élevée, à faire tapis tout le temps, on va se faire craquer plus d’une fois paire d’as ou se faire payer lorsqu’on pousse T2o. Afin de limiter la variance et gagner de l’argent sur un faible ROI (return on investment), le pro de SNG multi-table et empile les tournois. Il tire une bonne part de ses profits des offres de bonus, de points fidélité et de rakeback.

Regardons les conséquences selon les types de tournois :

- En heads up, impossible de multi-tabler massivement, donc pas de changement.
- En SNG 45 joueurs ou 180 joueurs, le temps de remplissage s’est considérablement allongé. Je conseillerai aux réguliers de cette discipline de se tourner vers les tournois multi tables. Les fields en .fr sont du même ordre.
- En SNG 9 joueurs. Il est très difficile de multi-tabler sur plusieurs sites différents. Rajoutez la fin du rakeback, et la perte du volume nécessaire pour garder un statut de supernova Elite. Cette loi n’est pas une bonne nouvelle pour le pro de SNG. Cela ne concerne pas grand monde. On peut classer dans cette catégorie Solody, mais il a immigré à Londres et semble délaisser les SNG pour les tournois. La plupart des semi-réguliers jouent un maximum de 8 tournois, et il devient possible de le faire sur différents sites. Je conseillerai à ceux qui ne trouvent plus le volume nécessaire, de passer à des tarifs plus élevés en diminuant le nombre de tables.
- En DON. En s’inscrivant dans un double or nothing, on peut doubler sa mise ou la perdre. Le ROI est donc plus faible que pour un SNG normal et la stratégie plus simple. Multi-tabler massivement est plus facile et nécessaire. La plupart des joueurs se sont mis aux DON car ils avaient du mal à dégager un bon ROI dans les SNG classiques. Le niveau en .fr devrait leur permettre de retourner vers les SNG.

Autres conséquences :
- Le joueur moyen est plus faible en .fr qu’en .com mais aussi plus LAG (Loose agressif). Vous allez subir de plus fortes variances dans vos résultats. A vous aussi d’adapter vos range de push et de call en conséquence.
- L’augmentation du rake a un gros impact sur les SNG, la forme de poker la plus taillée. Comparez la taille avec ce que vous payiez auparavant et selon les différents sites. L’opposition étant plus faible, vous pouvez jouer plus cher et diminuer le pourcentage du rake. choisissez les sites offrant les meilleurs bonus

Tournoi multi-tables, la fin du jackpot

Il est tout à fait possible de dégager un profit régulier en jouant des tournois avec des fields restreints. Il y a de bons cotés : plus de tables finales et plus de places dans l’argent, un meilleur rythme de vie avec des sessions moins longues. En valeur absolue, l’impossibilité de jouer des tournois chers, les 1000$ ou les 100$ rebuys vont pénaliser les meilleurs pros qui n’ont pas (encore) émigrés. Mais les ROI ne dépendent pas du nombre de joueur en tournoi. En comparaison, les ROI des pros qui jouent sur les sites européens ou uniquement les tournois en Omaha n’ont rien à envier à ceux qui jouent les gros tournois.

En revanche, le passage au .fr met fin au rêve Chris Moneymaker. Chaque semaine, les joueurs en .com peuvent s’inscrire dans un satellite à 1 ou 2$ et espérer décrocher un premier prix de 200 000 $. Ce n’est pas demain la vieille que la France aura assez de joueurs pour permettre une telle culbute. Au delà du rêve c’est un réel problème, les tournois majeurs restent le meilleur moyen de bâtir un bankroll et devenir pro. Je suis passé pro en terminant troisième du Sunday Million pour ma première participation en décembre 2004.

Un constat et un conseil pour ceux qui ont du mal à se remettre de ce rêve brisé.
- Le constat, il est beaucoup plus difficile aujourd’hui qu’il y a 4 ou 5 ans, pour un joueur occasionnel de décrocher un tournoi majeur en .com. Cette année aux WSOP, il n’y avait plus beaucoup de « dead money » à partir du jour 5. Les pros savent exploiter les joueurs faibles et le temps des Moneymaker, Jamie Gold ou Jerry Yang semble fini. Même constat online, il y a de plus en plus de pros, et ils jouent de mieux en mieux.
- Le conseil, suivez l’exemple récent de Valvegas… Vous pouvez encore faire la culbute en vous qualifiant pour des tournois en live. Les satellites en .fr sont plus faciles que sur le .com.

Cash game, le nouvel eldorado

J’ai lu de nombreux posts de joueurs se plaignant d’être entouré de fish avec le passage en .fr. C’est souvent l’occasion de poster un bad beat et de terminer en regrettant les pros scandinaves, allemands et américains. Si c’est votre cas, relisez Tommy Angelo et analysez froidement la nouvelle donne. Savoir gérer la variance est nécessaire au poker. Vous gagnerez plus à la fin de l’année à une table de fish en .fr qu’à une table de réguliers en .com.
Savoir s’adapter est tout aussi nécessaire. Ne jouez pas pareil à une table où les joueurs jouent 60/20 qu’à une table où ils jouent 16/14. Suivez les conseils des coachs, postez vos mains sur le forum et établissez de nouvelles stratégies.
C’est en apprenant à adapter votre jeu à vos adversaires que vous pourrez monter les limites.
Avec la mise en place d’un rake sur les pots gagnés pré flop, voler les blindes perd un peu de son intérêt.

Les impacts dépendent des limites :

- En micro limite. C’est la limite la plus taillée en proportion. Avec la taxe en .fr il va être encore plus difficile de lutter contre le rake. La différence entre un fish en .com et en .fr n’est pas flagrante. Mais le passage en .fr peut permettre de se débarrasser d’un cancer du poker en ligne : les robots. Des armées de robots rasent les débutants des micro-limites en .com. L’augmentation du rake et l’obligation de trouver des prête-noms pour fournir des justificatifs aux sites en .fr va rendre les robots non rentables. Cela devrait bénéficier à toute la pyramide des limites. Les joueurs chanceux ou plus malins viendront perdre leurs gains aux limites supérieures et ainsi de suite.
- En petites limites (NL 25 NL 100). L’augmentation du rake est largement compensé par un niveau plus faible. N’hésitez pas à tester la limite supérieure si vous avez le bankroll. Une NL100 en .fr est plus faible qu’une NL50 en .com.
- En limites moyennes (NL 200 NL 400). Ces limites devraient bénéficier d’un retour de joueurs de cercles ou de casinos Perdant en .com, ils s’étaient convaincu que « le net c’est truqué ». Avec la pub pour les sites en .fr, ils devraient faire un retour et trouver une opposition moins éloignée de celle du jeu en live.
- Les joueurs de limites supérieures vont souffrir du passage en .fr. Les pros de ces limites vont devoir se rabattre sur les limites inférieures en attendant les clients. Je peux aussi comprendre qu’un Basou soit triste de ne plus pouvoir se mesurer aux meilleurs joueurs de la planète dans le but de devenir toujours plus fort.

Les pros de full ring multi-tablaient en cash game et subissent la perte de volume. La chute du niveau doit leur permettre de passer au jeu en 6 max ou de compenser en jouant plus cher. Beaucoup de multi-tableur en tables pleines sont des joueurs de tournois qui empilent les tables de cash game pendant les premières heures où rien ne se passe. Comme les tournois sont moins garnis, ces temps d’attente sont moindres en .fr.

Horse et draw, sinistrés de la loi

La nouvelle législation n’autorise que le poker Hold’em et Omaha. Impossible aujourd’hui de jouer en HORSE ou en draw. Vous pouvez faire des pétitions en direction des sites pour qu’ils influent sur un élargissement. Mais je ne vois pas les choses s’améliorer :
- il y a très peu de joueurs intéressés. On ne peut pas espérer un mouvement de grève comme celui contre la taille trop élevée.
- Le marché est petit, rien ne dit qu’il est viable au niveau français et les rooms ne vont pas se battre.
- On ne peut rien attendre des députés qui ne connaissent rien au poker. Pas plus que de l’Arjel, archétype de la bureaucratie française. Ses membres ont été choisis pour leurs compétences dans le Sport, pas les cartes. Jean-François Vilotte, est l’exdir’ cab’ de Jean-François Lamour, et Guy Drut ex-ministre des Sports de Chirac.

Si vous jouiez dans des variantes exotiques pour rompre la monotonie, l’offre reste quand même diversifiée : Hold’em, Omaha Hi, Hi low et leurs variations en limite, pot limite et no limite.
Si c’était une façon de trouver des joueurs plus tendres, le niveau des salles en .fr est assez faible, pour (re)venir au Hold’em. Un joueur qui a fait son trou dans des variantes où la théorie est embryonnaire, a les qualités nécessaires pour réussir au Hold’em"

A lire également sur son Blog (Prolifique le Sharp pour un mois d'aout !), les commentaires sur le dernier bouquin de Tommy Angelo (duquel j'ai traduit pas mal d'articles sur ce blog) :